Qui était Jésus ? A-t-il existé ? Débat entre Onfray et frère Joël Badaroua

Vidéo 1er décembre 2023


https://youtu.be/ZnienRFDfS0?si=5GMV5uUMxeEvsphI


Je viens de voir ce passionnant débat entre Joël Boudaroua, frère dominicain, et Michel Onfray, philosophe et auteur, qui vient de publier son ouvrage Théorie de Jésus




D'après Onfray, Jésus n'a pas existé en tant que figure historique. 

Avec beaucoup de respect, les deux orateurs (sur la vidéo) anéantissent les récits fantastiques comme la naissance par une vierge, entre autres. En effet, quelques grands personnages sont nés d'une vierge d'après des légendes. Par exemple Platon. Ces merveilleuses légendes reflèteraient une mentalité en vogue autrefois. Par nécessité, ces mythes viennent à exister en force. Naître d'une vierge et d'un dieu, c'est l'opportunité de faire d'une personnalité une autorité extrêmement impressionnante. De quoi justifier une domination sur des populations. 

Est-ce que cela enlève pour autant la crédibilité de Jésus et de son message ? Je dirais qu'il faut y goûter pour savoir. Spéculer n'est pas expérimenter. 


Pour revenir sur le fait de la merveilleuse légende, le frère Joël corrobore cet avis sur la virginité de la mère de Jésus, car il n'ignore pas la façon dont une histoire s'écrit. Il existe en effet des procédés politiques qui rendent une religion légitime, puissante voire obligatoire. 

Ce procédé est-il présent à d'autres endroits du récit évangélique ? Il serait difficile de ne pas se poser la question. 

Par exemple, l'eau changée en vin. Ou bien l'énorme multiplication des pains. Ou encore un Dieu incarné. 

Que sait-on en réalité sur ce Jésus ? 

Était-ce, d'après les études et analyses d'Ernest Renan (son essai Vie de Jésus), un sage qu'on aime bien ? Renan disait sa grande sympathie pour ce Jésus. 

Ou bien Jésus est-il véritablement Fils de Dieu ? 

À chacun de chercher et de faire son expérience. 

Ce n'est pas une opinion trop facile qui permet d'y accéder. 


Le consensus est clair, ces deux intellectuels se mettent d'accord sur certains aspects fantastiques : ils sont purement symboliques. 

Remarquons cependant que les symboles ont une forme de vie en ce qu'ils induisent une inspiration, un mouvement, et qu'ils touchent les archétypes de l'âme. 


Les deux orateurs établissent aussi un consensus sur les contradictions entre les textes évangéliques, sachant qu'il y a trois évangiles synoptiques (Mathieu, Luc et Marc) et une évangile un peu à part, celle de Jean. Cette dernière est marquée par un langage initiatique dont les symboles sont décisifs par la forme de leur "nourriture". 


Les deux conférenciers divergent en ce qui concerne l'existence de Jésus. Pour Onfray, c'est un montage. Le Jésus Fils de Dieu n'a pas existé. Un certain Jésus philosophe, tel un sage, pourrait avoir existé. 

D'après le frère Joël Boudaroua, un certain Jésus a existé. Et il le célèbre tous les jours de sa vie consacrée : le Christ 🌞 

Si l'on considère le Christ comme immortel, il existe alors sous une forme relationnelle. 

Quant à l'histoire qu'il a vécu sur Terre de son temps ? Beaucoup d'éléments sont manquants, c'est clair. 

Est-ce que les évangiles perdent tout crédit parce qu'elles ont été rédigées longtemps après la vie de Jésus (plus de 60 ans), et sur la base de la tradition orale ? 

Pas nécessairement. Il s'agit d'étudier les choses en intelligence. Il y a toujours du bon grain et de l'ivraie où qu'on aille, quoi qu'on explore. La politique, la marche du monde, un groupe, un individu. Tout n'est pas faux, on trouve des vérités. 

Quant à la tradition orale, notons que les gens avaient à cette époque une mémoire bien plus vive que ce que nous connaissons actuellement. Depuis que les engins électriques, les télévisions, l'émergence des écrans d'internet, le culte de l'image, et le remplacement de nos cerveaux par nos outils numériques, sont dans nos foyers, ils affaiblissent nos capacités... Nous nous rendons compte de ce phénomène ambiant. 

Alors je mettrai une certaine confiance dans les passations orales d'antan. Il faut juste mettre le doute sur les superstitions populaires. 

Dommage que Jésus n'eût pas laissé de manuscrit. Et ses amis apôtres n'ont pas écrit non plus. Néanmoins le docteur Luc, auteur d'une évangile, n'a pas tardé à utiliser sa plume pour être le témoin des débuts de la communauté chrétienne et de la prédication de Paul jusqu'à Rome. 


Le débat entre Onfray et frère Joël peut déconcerter les personnes croyantes qui s'appuient de manière littérale, sans l'ombre d'un doute (ou en ignorant leurs propres doutes), sur les récits bibliques et certaines parties doctrinales qui ont surgi dans les siècles derniers. 

Quant aux enseignements de Paul de Tarse, pourrait-on compter sur lui et ses lettres, écrites plusieurs décennies après la mort de Jésus ? Que révèlent ces lettres sur l'histoire de Jésus ? Paul manifeste avec bon entrain sa conversion étonnante, sa vie mystique, ses enseignements sur la nature du Christ et sur la morale à suivre. 

D'après le livre des Actes des Apôtres, Paul de Tarse est converti sur le chemin de Damas par une intervention surnaturelle, après la mort et la résurrection de Jésus. Il ne l'a donc pas connu personnellement mais il a eu une expérience, et il a reçu l'injonction de rejoindre des disciples de Jésus. Plus tard, Paul part sur son propre chemin, il témoigne, crée des assemblées, il échange des lettres avec ces assemblées qu'on nomme plus tard "églises". Le vocable "église" provient du grec ancien ekklêsia, qui signifie « assemblée », du verbe ekkaleô (« je convoque »). 

Dans ses lettres, Paul n'émet pas d'opposition aux principes évangéliques. Pour lui, Jésus est Dieu et il est sauveur. Le reste du message de Paul penche vers la morale vis à vis des couples, des familles, des communautés. Il traduit ses inspirations sur l'amour agapê, racine de la charité fraternelle, et la beauté de ses propos en cette matière est une référence toujours utilisée, par exemple au jour de la célébration du mariage entre deux époux. Le texte le plus référencé chez Paul de Tarse est à la première lettre aux Corinthiens, chapitre 13, versets 1 à 8. 

https://www.aelf.org/bible/1co/13


Question classique : est-ce que les archives du Vatican possèdent d'autres éléments ? 


Nous pouvons au moins vérifier si l'esprit des évangiles s'avère être une source d'inspiration vers des états de paix. Peut-être une réalité plus "lumineuse"? À chacun de vérifier personnellement. 

La "vie" de Jésus, non pas historique mais qualitative, est peut-être celle qui compte. La puissance de vie par coopération avec l'Être innommable qu'on nomme Dieu. Que signifie le mot "Dieu", à vrai dire ? « Dieu » vient du latin "deus", lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller ». Intéressant ! 


Si nous tenons toutefois à connaître l'histoire de Jésus en sa vie d'homme, nous avons quelques éléments sur la condition de sa mère, sur un certain Joseph qui serait devenu le père de Jésus, une petite aventure à l'âge de 12 ans qui a inquiété ses parents, et un court ministère prétendument estimé à 3 ans, vers l'âge de ses 30 ans. Guérisons spontanées, réanimation d'un mort, paroles du royaume de Dieu, consolation des malheureux, proposition d'une renaissance par l'Esprit (souffle divin), le message central sur l'amour généreux, le pardon, l'invitation à partager en communion le pain de la vie. 

Son ministère a été riche mais court. Il a été écourté par ceux qui étaient dérangés par son originalité. Il bousculait les conventions et rituels pompeux. 

La mission de Jésus n'a probablement pas atteint les trois ans. Voire moins. On n'entend pas parler de deux ou trois Pâques juives. Il serait intéressant de relire les évangiles, en étant attentif aux déplacements géographiques de Jésus, aux indications historiques (nom des gouverneurs romains des provinces), le nombre d'interventions de Jésus en tel et tel jour, le rythme annuel des fêtes traditionnelles de ces tribus juives. Des spécialistes ont scrupuleusement analysé les textes. Nous pourrons revenir sur ce sujet d'étude.

Ce qui compte à présent, c'est la vie qualitative de Jésus-Christ. Je vous avouerai que j'y suis très sensible. Les choses du cœur de l'âme ne s'expliquent pas. Mon âme a son appel. 

Peut-être Jésus a-t-il voulu pointer du doigt une dimension plus grande que lui : la glorieuse lumière illimitée. Il souhaitait la sortie des âmes humaines de leurs tombeaux. Le tombeau, c'est la limite misérable de notre vie, plutôt encrassée par des choses fausses. Comment lever le voile dans ce cas? 

Vivre. Vivre la "vie" en tant que coopération avec une force vitale, intense et rayonnante. Une vie qualitative, inspirée de quelque chose de plus élevé que le compte bancaire, entre vanités du bas monde. Qui que fût véritablement Jésus, il est allé jusqu'à la mort pour ne pas renier sa mission. Son engagement a été fidèle. Il a voulu que cette vie nouvelle soit accessible à l'Homme : en épousant la vie de Dieu. Rendre sa qualité de vie accessible pour tous, c'était l'idéal que Jésus servait. Ernest Renan remarquait également cet idéal de Jésus. Un idéal plus élevé que des règles dogmatiques instaurées par une religion organisée. Il y a effectivement une différence entre croire et vivre la chose. C'est une vie cachée dans la vie de l'âme. Une union avec le tout. Cela ne peut dépendre que d'une disposition personnelle à la "docilité" à la grâce, comme il est préconisé par les mystiques de l'Église. 

Certains parlent de courant vitaliste qui est une puissance d'exister. Cependant n'oublions pas la pureté de cœur. 

Est-ce cela la sensation d'une vie plus purement naturelle et en harmonie avec le Vivant ? la planète ? le cosmos ? 


Qu'en est-il du travail de catéchèse ? Qu'est-ce qu'il faudrait enseigner ? 

Le travail pédagogique de catéchèse est peu abordé ; ceci dit, Onfray remarque qu'il serait souhaitable de fonder une théologie plus élevée, fondée sur le Logos annoncé au tout début de l'évangile de Jean. 

"Au commencement était la Parole (-> logos, verbum), et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes." (Jn 1: 1-4)


En effet, je trouve utile et louable la catéchèse qui questionne et respecte l'intelligence des enfants et adultes. Écouter des paroles puis questionner son intuition. C'est un principe maïeutique par lequel on peut véritablement chercher la vérité dans les choses. Et peut-être vivre de ce dont on essaie de parler. 


Bien que Michel Onfray soit athée, il porte un intérêt sérieux à ce sujet, Christ et la religion, lesquels sont à considérer de manière distincte. Il dit n'être pas fermé à la grâce divine si elle devait s'opérer en lui. Mais il ne force rien, il n'adopte pas de croyance avec des formules, comme pour se conditionner. 


Personnellement je ne suis pas athée, au contraire. J'ai vécu l'expérience de la grâce, plus d'une fois, avec des intensités différentes. Néanmoins, je demeure chercheuse de vérité en quelques sujets...

Par exemple, décider de me réciter mentalement un credo avec ses injonctions, pour me persuader de tout un monde comme la "résurrection de la chair", cela n'est pas dans mes capacités. 

Et le fait de mettre un objet idéique quelque part dans le mental n'apportera pas la lumière. 

De plus, si l'on admet que Dieu est créateur, Il nous a voulus avec un esprit critique. Ainsi nous devons utiliser nos sens, et notre bon sens. Croire contre la Raison doit soulever des interrogations.

Croire conformément, c'est reposant parce que c'est intégrer un groupe identitaire. Le sentiment d'appartenance est une sécurité, un confort, un réconfort. Croire en groupe, à l'unisson, c'est une quête de bonheur. Non pas une quête de vérité qui est une véritable pesée, une épreuve personnelle. 

Il m'est arrivé de préconiser un retour à l'Église pour les baptisés qui n'ont plus de religion ni aucune spiritualité, et qui sont malheureux et esseulés parfois. Quand je sens que les doctrines ne les dérangeront pas, le temps me donne raison. Ils sont heureux une fois actifs au sein de la communauté chrétienne. 

L'Homo sapiens est une espèce grégaire. Il cherche la sécurité d'une communauté. 

Quant à moi, je trouve cela louable mais j'ai une pensée qui ne se plie pas facilement à des règles instaurées par des hommes. J'étudie, je réfléchis, j'écoute mon intuition, je pose les questions au Très Haut. La vie est moins confortable cependant je m'intègre au système organisé, à ma façon. J'ai fini par faire quelques compromis sans me compromettre, parce que toutes les constructions du monde humain ont des défauts. Aucune ne sera tout à fait satisfaisante. On ne peut pas partir vivre sur une autre planète pour y trouver une situation entièrement honnête, de vérité, de justice, d'équité. Si un monde honnête existait, j'irais là-bas. La plupart des gens le voudraient. Mais nous sommes obligés de prendre le train tel qu'il est instauré, par les ambitieux et non par les plus lucides. Heureusement, nous pouvons toujours choisir notre nourriture. Quelle vie mangeons-nous ? Quelle vie sort de nous ? 

Le Royaume que nous souhaitions était peut-être déjà là si nous avions pu vivre de cette eau-là. Une harmonie qui nous attend dans le présent. 

Contempler la beauté ouvre les yeux. 

Dans la beauté, la grâce. C'est gratuit et non une gratification. Être petit pour céder la place à cette lumière innommable. 

C'est ce que je ressens du message du Logos. C'est ce qu'il m'inspire. 

J'avoue éprouver une profonde sympathie pour Jésus. Malgré les tempêtes de la vie, ce sentiment demeure. La flamme vacille mais ne s'éteint pas. 


La foi... 

Le mot "foi" vient du latin "fides" qui signifie « confiance ». 

Confiance en soi, en la vie, et Celui qui nous veut heureux. "Heureux, pas sans les autres". 

Il ne s'agit pas d'une foi de charbonnier qui ne questionne rien. Et il ne s'agit pas d'un mérite, comme pour "être quelqu'un de bien" et s'attendre à des récompenses. Ce principe malheureux justifie les discours moralisateurs du genre "il faut". On voudrait que les autres réalisent ce que l'on n'arrive pas à faire soi-même, dans la logique des mérites. Par conséquent, on se fait juge. 

La foi n'est pas un paquet de formules. Par quelles formules peut-on aimer quelqu'un ? S'il est vrai qu'on aime Jésus, on souhaite le rejoindre là où il est, dans son état de vie, pour être dans le partage, la communion. On n'y parvient pas par des signes extérieurs. 

Ainsi se fait-on accueillant pour que ce soit lui qui offre de sa présence, parce qu'on aurait bien du mal à "monter" vers son niveau. Le but est d' "être avec". Être en union. 

Aimer... Tout le monde n'aime pas. En principe, on a des goûts, des propensions. On sait ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas. Mais justement, pour le savoir, il faut y avoir goûté... Par contre, si l'on émet une opinion sur la chose sans l'avoir vue, entendue, goûtée, éprouvée, alors on est incohérent. 


J'ai goûté donc je n'y crois pas : je sais. Je sais qu'il y a ce principe originel, éternel et ineffable. 


Enfin, je reviens sur le sujet lancé par Onfray et le frère Joël. Qui avait raison ? Qui est plus convainquant dans ce débat ? 

Un seul devrait convaincre. Ni Onfray ni Joël. Mais la vie glorieuse là où le vent soufflera. Il pénétrera les failles. 



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