8 janvier 2023
À mon frère
Comment est-ce que je comprends l'exigence du Royaume de Dieu selon Jésus ?
Voici ses paroles :
"Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera."
(Mt 16:24-25 ; Lc 9:23-24)
"Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme? ou, que donnerait un homme en échange de son âme?" (Mt 16:25)
Sauver sa propre vie, c'est passer sa vie à lutter pour avoir ceci et cela. Avoir une vie selon une culture humaine. Si l'on a la foi en ce gain, à moins d'être handicapé on développe la capacité de se faire une vie normale, avec un peu plus ou un peu moins de matériel et donc de gloire en proportion aux possessions, etc.
Malgré toute notre capacité de réussir dans le monde et pour le monde, il nous est possible d'avoir envie d'arrêter de nous battre, quitte à passer pour un faiblard. Mais le cœur veut ce que l'âme veut.
Ce genre de conviction est le signe de peu d'intérêt pour sa propre vie individualiste, auquel cas on baisse les armes (si tant est qu'on les ait brandies) et l'on se met en route pour une vérité. Peut-être un absolu supérieur aux vérités subjectives et relatives ?
Jésus répond à cette question existentielle. Il fait bien la différence entre les fruits de l'avoir personnel et les fruits de l'être glorieux.
Il donne les conditions de sa vie divine à partager dans l'abondance. La vie divine, c'est peut-être la vie telle qu'elle est, la vraie. Une vie plus entière, plus pleine.
"Celui qui voudra sauver sa vie" me fait penser à la philosophie du sauve-qui-peut. "Celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera" me fait penser à une âme gagnée par le Ciel. Elle est invitée à rejoindre l'expérience ineffable et mystérieuse de la Beauté dans le Royaume de la Vie.
Quoi qu'il en soit, la vérité des hommes n'est point à juger car le libre-arbitre leur est donné. C'est chose naturelle. L'attachement du cœur ne se force pas.
Il me semble assez clair que partout dans le monde, ou pratiquement, même entre membres des familles, on compare les avoirs. C'est un jeu. Soit on l'aime soit on ne l'aime pas.
Avoir pour être... Avoir... Avoir une vie, en être fier ou orgueilleux. Travailler pour les yeux qui regardent. Tout pour l'image. "J'ai donc je suis". L'être s'en trouve diminué. L'Être de la gratuité est piétiné. Rien n'est gratuit dans le bas monde. Se faire une vie, se battre pour avoir, se concentrer, s'y consacrer. C'est donc y donner son âme. C'est donner son âme à la cause en laquelle on croit, un désir personnel, bien souvent une copie conforme du désir d'autres humains. C'est humaniste: solidarité d'âme et de pensée dans l'idéologie ambiante. Il n'y a rien de mal à cela puisque c'est propre à l'humain. Le libre-arbitre permet tout. Il faut que les humains aillent faire leurs propres expériences ! jusqu'au jour où ils sentent qu'ils ont fait le tour. Puis ils osent enfin affronter le vide au lieu de prendre l'esquive. La traversée du désert. La quête de l'essentiel commencera donc.
Par le libre-arbitre, l'humain est-il libre ? Je ne le pense pas. On est forcé à fermer les yeux pour pouvoir faire consensus.
La liberté est autre chose que le libre-arbitre. De plus, il nous faut bien reconnaître, si nous avons un peu d'humilité, que nous sommes programmés, conditionnés. Seulement une grande force d'âme permet d'ouvrir une brèche et de laisser entrer la lumière de la libération.
Dans le monde de Dieu, la vie promise est une vraie libération. Elle est puissante, lumineuse; l'intelligence est reposante, hors du mental limité. C'est une expérience de relation, en soi et autour de soi. L'Esprit souffle par ici et le contact est opéré. Ensuite on a des décisions à prendre. Soit on regarde en arrière, soit on avance pleinement dans cette voie nouvelle. Est sage celui qui prend du temps pour réfléchir. (voir notes * Lc 14:28-33)
Si l'on s'engage, cela signifie que l'on dépose son âme devant Dieu pour que ce soit désormais son Esprit qui vive en soi. Nous devenons alors le temple de l'Esprit. Saint Paul disait "ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ?"
Appartenir au royaume d'amour...
Quelle libération !
Quand on ressent de plus en plus d'aversion pour l'ego et l'orgueil des mérites humains, et quand on s'abandonne de plus en plus au Christ par amour mystique, on comprend alors toute la richesse de cette excellente liberté.
Pendant bien longtemps j'ai prôné la libre pensée et c'est tant mieux car j'ai usé de ma libre pensée pour chercher. Chercher jusqu'à recevoir l'appel surprenant de Dieu. Surprenant mais intimement familier.
L'envie de me dévêtir du "vieil homme" se fit plus vive. Et l'envie de me vider de mes chaînes, vanités et illusions humaines, correspondait en même temps à l'envie ardente de rejoindre le Christ là où il est. Et c'est Lui qui te rejoint là où tu es, dans ta faiblesse.
C'est une conversion de cœur, un changement de vie.
Pour autant on demeure humain, en proie à des épreuves. La foi même est une épreuve.
Des conflits internes, des questionnements, du tri entre ce qui provient de l'âme et ce qui provient de la psychologie. Des attaques externes aussi. Parfois surnaturelles.
Avec le temps, nous observons les fruits de la patience et de la persévérance, d'où un gain de confiance. Les combats sont toujours gagnés par Dieu. Le discernement est clair. C'est clair et le Ciel emporte mon cœur dans une joie mystérieuse qui allège mon poids sur différents niveaux. C'est une consolation opérée par le souffle de l'Esprit, le paraclet.
Qui marche à la suite du Christ a laissé tomber la quête de réussite humaine car il sait qu'il n'a plus rien à prouver ! Il va plutôt chercher à faire réussir Dieu. Ainsi peut-on faire la différence entre la réussite d'un homme et la réussite du Dieu bon et miséricordieux. "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel" de la prière du Notre Père comporte une vraie signification. Le Ciel, c'est maintenant; il veut s'inviter chez nous (si nous le laissons faire).
Les créations de Dieu sont bien réglées, ordonnées, lumineuses, harmonieuses et pacifiques. Par les œuvres de Dieu que nous acceptons d'établir, nous faisons preuve de fraternité, d'union, de partage, de justice.
Les créations inspirées par Dieu et ses anges fournissent la vie abondante à tous les êtres sans créer d'inégalités ou de disparités. La vie selon Dieu, c'est l'union. C'est l'amour et non la peur.
Les créations humaines servent souvent la gloire des humains. La vie humaine pour l'humain, c'est souvent beaucoup de peur et peu d'amour. C'est l'art de la désunion, du désordre, des peines et douleurs. Et ils se le font payer les uns aux autres de génération en génération.
Une fois qu'on a bu l'eau à la fontaine de l'Esprit, c'est trop tard. On est ivre de cette présence infinie où tout est lumière, douceur, joie, amour. Les petits sont appelés à "rentrer à la maison" (Mathieu 13:30 "amassez le blé dans mon grenier") et à chanter ensemble la symphonie céleste, c'est-à-dire l'union des cœurs. Boire de cette eau, c'est boire la Vérité. On se trouve alors rassasié. On n'en souhaite pas d'autre, de peur d'avoir le cœur partagé. Si l'on est partagé, on ira peut-être voir autre chose, au risque de la perdition, et l'on reviendra peut-être après douleurs et fracas. Or "vous êtes le sel de la terre", avait dit Jésus. "Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes." (Mt 5:13)
Est sage celui qui prend le temps de réfléchir avant de s'engager. C'est qu'il s'agit de faire son chemin de vie sans regarder en arrière.
"Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu." (Luc 9:62)
Nous avons le temps. Dieu respecte le temps de chacun. Il nous connaît.
Dieu ne juge pas. Nous nous jugeons et nous nous excluons nous-mêmes de la grâce. La lumière peut faire peur. Elle est si intime. En avons-nous honte ?
Le tri entre le blé et l'ivraie s'opère ainsi. Nous nous excluons. Peut-être y a-t-il les deux, blé et ivraie, au sein d'une seule et même conscience, à vrai dire.
Quoi qu'il en soit, ce sont les plus petites âmes qui arrivent à passer par la porte très étroite. Ces êtres sont petits en ego mais forts de la vie subtile du Christ. C'est pour cela que leurs pas et leurs paroles sont affirmés, sans détour, empreints de justice. Ils ne jouent pas les saintes nitouches ou les têtes d'enterrement. Avec une âme souriante, ils se tiennent droit devant Dieu. Christ n'a-t-il pas souhaité cette dignité ?
Heureux donc les humbles, les purs de cœur, les simples.
Dieu est simple. Il est peut-être trop simple pour être compris. C'est à la fois l'esprit de génie à l'origine de l'Univers et un cœur aussi simple que celui d'un petit enfant. Il est aussi comme mille mères.
Si nous suivions Ses recommandations, nous serions bien plus heureux.
Les humains n'en font qu'à leur tête, voulant aller à leurs propres expériences, se faisant du mal les uns les autres pour de nombreuses générations.
Dans l'histoire de l'humanité, seulement quelques-uns sont parvenus à percevoir la voix de Dieu. Ce sont des hommes dont l'intériorité a donné accès aux bons préceptes, pour notre bien commun. Des prophètes, des visionnaires, des éveillés, des amis de Dieu.
Ils n'ont pas été écoutés, sinon très peu. Si leurs messages ont été entendus, ils finissaient par être rejetés.
Dieu a décidé qu'il y aurait donc un moment adéquat à l'envoi d'un message plus direct et radical. Il a dû se dire, à peu près, "Décidément mes collaborateurs humains ne sont pas entendus, il va donc falloir que je descende moi-même. Je vais donc leur envoyer quelqu'un en qui je mettrai mon Esprit et ma parole."
Donc Jésus est bien l'homme qui a exprimé la parole vivante de Dieu, à la fois avec des mots et au-delà du langage humain, pour nous donner la vie et nous proposer Sa paix. C'est pour cela qu'on dit qu'il est à la fois homme et dieu.
Il parle comme une mère protectrice :
"Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos.
Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger." (Mt 11:28-30)
"Joug" a la même racine que le mot sanscrit "yoga". Il signifie "union".
Ici Dieu passerait presque pour le paraclet des souffrants et miséreux.
Quant à ceux et celles qui vont bien ? Dieu leur est-il destiné ?
Ne se rendent-ils pas compte de leur pauvreté ?
Aller bien n'est pas incompatible avec être égoïste ou pire...
Peut-on être à la fois consacré et vivre en couple ?
Je trouve que la vie de couple est possible dès lors que les deux sont à peu près au même niveau concernant le regard qu'ils portent sur la vie, d'où l'accord cohérent sur le projet de vie.
Un athée avec une personne religieuse voire mystique (spiritualité très présente), c'est une situation très délicate, l'aménagement constant de l'espace commun, avec beaucoup d'interdits et de tension.
Mieux vaut constituer une paire qui s'accorde sur le même projet de vie, de bon cœur, si l'on veut faire simple, tout en découvrant les petites différences de l'autre.
Je trouve également difficile de concevoir l'union entre un spirituel dévoué et un "croyant du dimanche" qui n'a aucune soif de Dieu. On dirait un athée qui va à l'église...
Peut-être vaut-il mieux vivre un célibat relativement heureux plutôt qu'une lutte permanente à deux.
Puis peut-on aimer ce qu'on ne comprend pas ? Quand l'un dit à l'autre qu'il ne le comprend pas mais qu'il l'aime quand même, j'ai des doutes. Ça ressemble plutôt à une association, un arrangement ou un contrat. Aimer sans comprendre, ça ne tient pas. Et comprendre un peu, juste pour le respect, ça ne vaut pas grand-chose. Si l'amour est là, je crois bien qu'il s'agit de l'amour de la sécurité et des habitudes. À moins qu'il y ait plus que cela ?
Parfois l'incompréhension du conjoint ou de la conjointe crée un fossé, de telle sorte que la relation tient à un fil. Les fondements sont certainement inconsistents. Tout juste charnels. La maison est construite sur du sable.
Une compréhension mutuelle profonde est certainement vitale si l'on veut bien vivre en tant que soi-même.
Je me souviens de ce couple extrêmement pratiquant. Seul l'homme travaillait, la femme s'occupait de leurs six enfants. Ils vivaient dans une petite communauté catholique. Ils n'ont pas acheté de maison, ils vivaient pour Dieu, avec la messe chaque matin. Donc la voie consacrée à deux, c'est possible. Ils ont choisi une petite vie par rapport aux normes, mais une grande vie selon leur cœur.
Une autre question me vient à l'esprit. Peut-on se mettre à la suite de Jésus quand la vie de couple est déjà bien entamée et que l'accord semble s'y opposer ? Je pense que cela dépend de la raison pour laquelle on a envie de suivre le Christ Jésus.
S'il s'agit de l'appel de l'âme, le désir peut être très prenant. Il est vécu comme un aimant qui attire. C'est plus fort que soi. C'est une attraction mystique appelant le mariage du Ciel avec notre vie sur Terre. C'est l'appel à vivre son Ciel dès ici-bas.
Est-ce que le conjoint ou la conjointe pourra le supporter ? Les dialogues seront grandement nécessaires. Avec l'aide de connaisseurs, c'est encore mieux. Accepter l'évolution de chacun n'est pas forcément facile. Doit-on pour autant briser l'engagement du couple ? À moins que la vie devienne un enfer, je ne pense pas qu'il soit bon pour la paix de la conscience de briser une parole donnée.
Seul ou accompagné, répondre oui à l'appel du Ciel, c'est mourir à l'ancienne vie. C'est traverser le fleuve et passer de l'autre côté. Renaître. On est ici-bas mais on n'est pas du monde. Jésus le dit aussi. De lui-même et de ses amis. Ils sont dans le monde mais ils ne sont pas du monde. (Jn 17:16)
Le regard que nous portons sur la vie cause parfois des séparations.
L'un aime la vérité de Dieu, l'autre la déteste.
Jésus répond ainsi à ceux qui se moquent de lui :
"Vous ne croyez pas parce que vous n'êtes pas de mes brebis. Mes brebis entendent ma voix; je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle; et elles ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main."
Évangile de Jean 10 : 26-28
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* lequel de vous, s'il veut bâtir une tour, ne s'assied d'abord pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi la terminer, de peur qu'après avoir posé les fondements, il ne puisse l'achever, et que tous ceux qui le verront ne se mettent à le railler, en disant: Cet homme a commencé à bâtir, et il n'a pu achever?
Ou quel roi, s'il va faire la guerre à un autre roi, ne s'assied d'abord pour examiner s'il peut, avec dix mille hommes, marcher à la rencontre de celui qui vient l'attaquer avec vingt mille?
S'il ne le peut, tandis que cet autre roi est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander la paix.
Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple."
Luc 14:28-33
église Sainte Radegonde, Riantec, Bretagne
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